Encombrant(s)

« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. »
[Georges Pérec]

Pour ne pas se vider, l’humain ramasse, assemble, recueille
Il cueille et récolte, il collecte
Il s’occupe, il s’applique et s’attache
Il range, nettoie, remue, débarrasse, répare, recolle, passe, défait, repasse, court, refait dans un sens, râle, essaye dans l’autre, se cogne, se relève, « Allô ? Oui. Non. Oui, oui. Non. », jette, mâche, crache
Enfile, attache, écoute la – éteint, allume, éteint – rallume la radio, débranche, cherche, se met à quatre pattes, tend, souffle, remonte, crie, ouvre, jette, ferme, ouvre et ferme
Ouvre, regarde et ferme
Ouvre, rentre, cherche, monte, remue, soulève, se baisse, arrache
Ça sonne
Descend, saisi, parle, écoute, raccroche
Raccroche les wagons, dézippe, ouvre et ferme, s’assoit
Attend, renifle
Remonte, rattache, tire, ouvre et ferme
Et finalement se vide à petit feu

L’humain occupe son quotidien. Comme il peut. Le quotidien préoccupe l’humain.
C’est ce qui l’emplit – l’humain – le relie à la vie.
Il a inventé de divines machines pour aller plus vite, pour aller plus loin.
Tout s’organise autour de lui. Il maîtrise. Il est maître. Maître de son univers.
A bras le corps, il s’élance dans cette course folle. Et bientôt disjoncte tranquillement.
Ses objets le malmènent, résistent, s’opposent à son bien-être.
Lui, l’humain obstiné, persiste et se débat.
– Tout lui échappe –
Il dompte sa maladresse, réprime sa bêtise
Il s’accroche l’humain
Et dans son sillon, se dessine sa vie
Sa vie bancale et morcelée
Fugace, sans intérêt

C’est à travers le prisme du couple dans nos sociétés contemporaines qu’Estelle
Bezault tente de démêler l’indémêlable : la fragile agitation d’une humanité en
berne. Encombrant(s), c’est une ode à ce qui ne sert à rien, un éloge de la fragilité, une réplique au « toujours-plus-toujours-mieux », un banal drame amoureux.

(Voir plus haut)

« Trois âmes en rade sur un bateau.
Trois corps en vrac sur un radeau.
Trois voies accordées, désencordées, sous un chapiteau. Chut ! »

Jacques Rebotier, auteur, compositeur, poète, créateur inclassable, écrit (Voir plus haut) en 1998 pour le spectacle d’étude de la 10ème promotion de l’École Nationale des Arts du Cirque de Châlon-en-Champagne. Il publie le texte dans le recueil Le désordre des langages III édité aux Solitaires Intempestifs.
 

(Voir plus haut) n’est pas une fable. Présenté comme un journal de bord, le texte propose un voyage sensible où l’itinérance, la différence, la vie en collectivité, offrent une dimension onirique au spectateur-auditeur. On entre sur la piste comme on part en mer, avec le même rêve mais aussi le même risque. On tente le tout pour le tout, après tout ? A travers l’écriture poétique et engagée de Rebotier, la vie exulte : l’on se parle, l’on dîne, l’on partage, l’on s’aime ! (Voir plus haut), c’est aussi (surtout !), un hommage à la vie avec tout ce qu’elle comporte d’anomalies, d’ambivalences et d’évidences « la vie dure, c’est pour ça qu’elle est dure. La vie court, c’est pour ça qu’elle est courte.»

« Notre trio à l’énergie joyeuse, c’est la compagnie de cirque, c’est l’équipage marin, c’est la troupe poussiéreuse mais radieuse. Embarquons ! »