Disfonx 3000

Les Femmes Sauvages sont des paysannes heureuses et engagées du Boischaut (sud
du Cher). En 2021, elles se lancent collectivement dans une sacrée aventure : créer et jouer une courte forme théâtrale pour évoquer leurs quotidiens de femmes dans le milieu agricole. Accompagnées par l’autrice et metteure-en-scène Estelle Bezault, elles imaginent ainsi un manifeste à la fois féministe, écologiste et poétique : Payselles. Elles portent le spectacle sur scène tout au long des étés 2022 et 2023.

En octobre 2023, les Femmes Sauvages décident de relever un nouveau défi en imaginant un second spectacle. Elles s’allient donc à nouveau à la compagnie Soliloque – le chant du fond. Voit le jour Disfonx 3000, un spectacle décalé, poétique et grinçant sur les logiques absurdes d’un monde qui bouge à vitesse grand V contrastant avec les pratiques et le mode d’agriculture paysanne que défendent les agricultrices.

Ce projet est rendu possible grâce au soutien du Théâtre de la Carrosserie Mesnier (18) et à la générosité de l’Abbaye de Noirlac (18) où auront lieu les premières en février et juin 2025.

Encombrant(s)

« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. »
[Georges Pérec]

Pour ne pas se vider, l’humain ramasse, assemble, recueille
Il cueille et récolte, il collecte
Il s’occupe, il s’applique et s’attache
Il range, nettoie, remue, débarrasse, répare, recolle, passe, défait, repasse, court, refait dans un sens, râle, essaye dans l’autre, se cogne, se relève, « Allô ? Oui. Non. Oui, oui. Non. », jette, mâche, crache
Enfile, attache, écoute la – éteint, allume, éteint – rallume la radio, débranche, cherche, se met à quatre pattes, tend, souffle, remonte, crie, ouvre, jette, ferme, ouvre et ferme
Ouvre, regarde et ferme
Ouvre, rentre, cherche, monte, remue, soulève, se baisse, arrache
Ça sonne
Descend, saisi, parle, écoute, raccroche
Raccroche les wagons, dézippe, ouvre et ferme, s’assoit
Attend, renifle
Remonte, rattache, tire, ouvre et ferme
Et finalement se vide à petit feu

L’humain occupe son quotidien. Comme il peut. Le quotidien préoccupe l’humain.
C’est ce qui l’emplit – l’humain – le relie à la vie.
Il a inventé de divines machines pour aller plus vite, pour aller plus loin.
Tout s’organise autour de lui. Il maîtrise. Il est maître. Maître de son univers.
A bras le corps, il s’élance dans cette course folle. Et bientôt disjoncte tranquillement.
Ses objets le malmènent, résistent, s’opposent à son bien-être.
Lui, l’humain obstiné, persiste et se débat.
– Tout lui échappe –
Il dompte sa maladresse, réprime sa bêtise
Il s’accroche l’humain
Et dans son sillon, se dessine sa vie
Sa vie bancale et morcelée
Fugace, sans intérêt

C’est à travers le prisme du couple dans nos sociétés contemporaines qu’Estelle
Bezault tente de démêler l’indémêlable : la fragile agitation d’une humanité en
berne. Encombrant(s), c’est une ode à ce qui ne sert à rien, un éloge de la fragilité, une réplique au « toujours-plus-toujours-mieux », un banal drame amoureux.